LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE | De bonnes conditions de travail relèvent d’une volonté politique

La tension entre valeurs professionnelles et contraintes organisationnelles entraîne systématiquement des souffrances psychiques parmi le personnel des soins de longue durée. La mise en œuvre de l’initiative sur les soins infirmiers peut contribuer à améliorer les conditions de travail des métiers des soins, qui resteront alors attractifs. Mais il s’agit d’en garantir le financement. Or, cette question n’est pas réglée dans la proposition actuelle du Conseil fédéral, ce que critiquent CURAVIVA et ARTISET.
En acceptant l’initiative sur les soins infirmiers en novembre 2021, le peuple suisse a envoyé un signal clair: il faut renforcer et garantir les soins, et améliorer les conditions de travail. Aujourd’hui, presque quatre ans plus tard, il apparaît que la mise en œuvre est exigeante. D’où l’importance de créer les conditions nécessaires en garantissant le financement et en donnant aux EMS une marge de manœuvre suffisante pour qu’ils puissent tenir compte des souhaits et besoins de leur personnel.
La pénurie de personnel qualifié est une réalité
Aujourd’hui déjà, il manque du personnel soignant qualifié. Selon les prévisions, les besoins continueront d’augmenter, notamment dans les soins de longue durée, où l’évolution démographique est directement perceptible. Sans mesures ciblées et financées durablement, cette pénurie risque de s’aggraver. De bonnes conditions de travail ne sont pas simplement souhaitables, mais indispensables pour que le personnel reste durablement et que les jeunes choisissent ce métier.
L’offensive de formation est en marche
La première étape de mise en œuvre de l’initiative sur les soins a commencé avec ladite offensive de formation. L’objectif est de former davantage de professionnel·les dans les soins et de couvrir ainsi les besoins croissants à long terme, ce à quoi les EMS apportent déjà une contribution importante: jamais ils n’avaient formé autant d’apprenti·es et d’étudiant·es. Pourtant, la mise en œuvre n’est pas partout la même. De grandes différences cantonales sont observées, tant en ce qui concerne les diplômes professionnels concernés que les mesures d’encouragement, ce qui complique la coordination nationale. Le principal défi consiste toutefois à créer des places de formation attrayantes et à trouver des formatrices et formateurs suffisamment qualifiés.
De bonnes conditions de travail ne sont pas simplement souhaitables, mais indispensables pour que le personnel reste durablement et que les jeunes choisissent ce métier.
Conditions de travail: financement non réglé
La deuxième étape de la mise en œuvre de l’initiative porte sur son principal objectif: améliorer durablement les conditions de travail du personnel soignant. En mai 2024, le Conseil fédéral a publié l’avant-projet de loi fédérale sur les conditions de travail dans les soins, qui renferme de nombreuses dispositions réglementaires, par exemple sur la planification des services, l’aménagement du temps de travail et les conventions collectives de travail. Curaviva et Artiset ont pris position ensemble avec les autres associations d’employeurs concernées. Certains points ont été adaptés dans la version actuelle remaniée. Pourtant, quelques revendications centrales ne sont toujours pas prises en compte, notamment au sujet du financement et de la liberté d’organisation nécessaire.
Les mesures doivent être financées
Un problème central n’est toujours pas réglé: le Conseil fédéral ne définit pas la manière dont les mesures doivent être financées. Les EMS dépendent du système de l’assurance obligatoire des soins (AOS), qui repose sur trois sources de financement: l’AOS elle-même, les financeurs résiduels, autrement dit les cantons et /ou les communes, ainsi que les résidentes et résidents. Si de nouvelles exigences sont introduites sans réglementer clairement le financement, le financement résiduel risque de ne pas couvrir entièrement les coûts, qui devront alors être répercutés sur les résidentes et résidents. Cela ne va pas dans le sens de l’initiative sur les soins infirmiers et n’est pas acceptable d’un point de vue sociétal.
Ce qui est nécessaire à ce stade
Pour que la deuxième étape de l’initiative puisse déployer son effet, CURAVIVA formule les revendications suivantes avec ses associations partenaires:
• Garantir de façon contraignante le financement de l’ensemble des mesures.
• Laisser une marge de manœuvre aux établissements et renoncer à une réglementation disproportionnée pour permettre le développement de modèles de travail flexibles et judicieux.
• Renoncer aux mesures qui réduisent le temps de travail et renforcent la pénurie de personnel qualifié dans les institutions.
• Tenir compte de l’interdisciplinarité dans les EMS et des conditions de travail réelles dans les soins de longue durée.
Ensemble plutôt que les uns contre les autres
Les défis sont réels: il s’agit de garantir une prise en soins fiable et qualitative des personnes âgées, aujourd’hui et à l’avenir. L’évolution démographique, la pénurie croissante de personnel qualifié et les exigences de plus en plus grandes dans le quotidien des soins montrent l’importance de conditions cadres légales durables pour les institutions.
L’acceptation de l’initiative sur les soins infirmiers a été un signal fort. CURAVIVA s’engage avec insistance pour que la deuxième étape ne se transforme pas en occasion manquée. Des soins de qualité ne peuvent être dispensés que par des professionnel·les motivé·es. Pour éviter leur départ de l’entreprise, il faut les faire participer à l’élaboration des conditions de travail avec leur employeur, valoriser leurs tâches et les rémunérer équitablement. Le travail politique pour jeter les bases nécessaires à cette fin doit commencer maintenant.
Catherine Bugmann est responsable de projets Politiques publiques d’ARTISET et Christina Zweifel est directrice CURAVIVA et membre de la direction d’ ARTISET.