22.12.2023

POLITIQUES PUBLIQUES | Rétrospective de la session d’hiver 2023

Au cours des trois dernières semaines, les parlementaires ont débattu d'une multitude d'affaires. Prenez donc cinq minutes pour vous pencher sur les dossiers les plus pertinents pour les prestataires de services en faveur des personnes ayant besoin de soutien, dossiers qui ont été traités au Palais fédéral et que nous avons sélectionnés pour vous.

Bâle marque 3 à 0 et prend sa revanche

Il y a tout juste une année, le canton du Jura célébrait l’élection de sa première conseillère fédérale, ravissant un siège qui semblait promis à la métropole rhénane. Absente depuis un demi-siècle de l’exécutif fédéral, Bâle aura dû patienter douze mois de plus pour voir son souhait enfin exaucé. Et de la plus belle manière, car elle place simultanément trois des siens à la présidence du Conseil national, à celle du Conseil des États et au Conseil fédéral. On peut difficilement faire mieux dans le système politique suisse. Ironie de l’histoire, seule la non-élection de sa candidate l’an dernier aura rendu possible ce tiercé gagnant.

 

09.528 Iv. pa. Humbel «Financement moniste des prestations de soin»

Le verdict est tombé. Le Parlement a accepté d’intégrer les soins de longue durée dans l’EFAS (financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires). Il est désormais incontestable que l’inclusion des soins dans l’EFAS est un point central de la réforme du système de santé. Si aucun référendum n’est lancé, l’EFAS entrera en vigueur au 1er janvier 2028 pour les soins aigus et quatre ans plus tard pour les soins de longue durée.

Résumé en format «fil d’info»:

  • 5 décembre 2023: le Conseil des États adhère sur toute la ligne aux propositions de sa commission chargée de l’examen préalable et se prononce clairement par 31 voix contre 12 pour l’inclusion des soins de longue durée sept ans après l’adoption du projet. Dans ses explications, le porte-parole de la commission relève que le tableau synoptique prête à confusion et rejette catégoriquement les allégations de hausse des primes: «L’EFAS n’entraîne aucune charge supplémentaire, mais bien au contraire un allégement pour les personnes assurées.»
  • 8 décembre 2023: la Commission de la santé du Conseil national discute les décisions du Conseil des États. La majorité de la commission abonde dans le sens de la Chambre haute. Plusieurs propositions de minorité sont cependant avancées, portant notamment sur l’indemnisation des hôpitaux conventionnés, le montant des contributions cantonales, le contrôle des factures ou encore la participation des personnes assurées aux coûts. Mais l’intégration des soins de longue durée à l’EFAS au bout de sept ans n’est plus guère contestée. Selon un point nouvellement ajouté, il faudra cependant avoir établi à cette date des tarifs de soins qui reflètent les coûts et les données de manière transparente et uniforme, dans le respect des exigences légales.
  • 14 décembre 2023: le Conseil national suit sur toute la ligne sa commission chargée de l’examen préalable.
  • 14 décembre 2023: la Commission de la santé du Conseil des États accepte la disposition supplémentaire introduite par le Conseil national concernant l’inclusion des soins.
  • 18 décembre 2023: le Conseil des États suit sa commission chargée de l’examen préalable.
  • 22 décembre 2023: dernières joutes oratoires à l’heure du vote final. Les deux Chambres disent OUI à l’EFAS et OUI à l’inclusion des soins de longue durée au terme d’un délai de sept ans. La menace d’un référendum des syndicats contre la réforme du système de santé plane encore. Le compte à rebours a commencé.

Communiqué de presse des partenaires d'alliance pour EFAS


23.4170 Po. Graf «Comment répondre au besoin en soignants spécialisés dans le domaine pédiatrique Santé de l’enfant, de l’adolescent et de la famille?»

Le conseiller fédéral Guy Parmelin a rappelé au Conseil des États que la définition des contenus de la formation dans le domaine des soins était du ressort des hautes écoles, avec le concours des acteurs économiques et sociaux. Le cursus couvre actuellement un vaste éventail de tâches, dont les soins pédiatriques. Il n’est donc ni nécessaire ni adéquat d’imposer par le haut des filières d’étude en pédiatrie aux établissements de formation. Des arguments qui ont convaincu le Conseil des États, lequel a rejeté le postulat à une faible majorité de 23 voix contre 20.


22.045 Objet du Conseil fédéral «Organisation internationale du Travail: convention n° 190 et Rapport sur la Déclaration de son centenaire»

Après le rejet de la convention n° 190 de l’OIT par le Conseil des États et l’avis négatif de la commission juridique du Conseil national, il était à craindre que la Chambre basse revienne sur sa décision d’accepter la convention. Pour finir, l’objet est maintenant renvoyé au Conseil fédéral. Le Parlement montre une fois de plus qu’il a bien du mal avec les conventions internationales. Il est regrettable que la Suisse ne ratifie pas une définition homogène reconnue par la communauté internationale de la violence et du harcèlement sur le lieu de travail et qu’elle renonce ainsi à améliorer la visibilité sur la scène internationale de ses efforts pour lutter contre ces phénomènes. Mais tout espoir n’est pas encore perdu: le Conseil national propose de poursuivre le processus en ouvrant une consultation en bonne et due forme. 🙄


21.3630 Mo. Maillard «Le 30 octobre doit devenir la Journée nationale des proches aidants et aidantes»

La Journée des proches aidants a été lancée en 2012 par le canton de Vaud et a lieu chaque année le 30 octobre. Entre-temps, cette journée a pris une envergure intercantonale. Différents cantons (Berne, Fribourg, Genève, Grisons, Jura, Neuchâtel, Tessin, Vaud et Valais) et organisations choisissent cette date pour exprimer leur gratitude aux proches aidants et pour faire connaître les possibilités de soutien. Le Conseil fédéral salue l’intention, mais s’oppose à la motion pour des raisons d’égalité de traitement. Le Conseil national n’était pas de cet avis et a accepté la motion au printemps dernier. Bien que l’initiative de cette journée nationale émane de divers cantons, le Conseil des États a maintenant rejeté la proposition. Rien ne va donc changer à la situation actuelle, où seuls certains cantons profitent de cette journée pour exprimer leur reconnaissance aux proches aidants.


20.445 Iv. pa. Suter «Inscrire le cyberharcèlement dans le code pénal»

Le harcèlement systématique par voie numérique se répand depuis plusieurs années. Il vise tout particulièrement les jeunes et les femmes. Le cyberharcèlement se distingue par la viralité des contenus, accessibles en permanence à un large public et quasiment impossibles à faire disparaître. Il n’est pas toujours facile de démasquer les auteurs. Le Conseil des États estime que le cadre juridique en vigueur ne suffit pas pour combattre efficacement le cyberharcèlement. Comme le Conseil national a, pour sa part, donné suite à l’initiative parlementaire, il appartient maintenant à la Commission juridique de la Chambre basse d’élaborer un projet de loi afin que le cyberharcèlement puisse être poursuivi avec des moyens adaptés aux réalités contemporaines.


23.4301 Ip. Graf «Que font la Confédération et les cantons en faveur de salaires adaptés aux exigences dans le système de santé?»

La conseillère aux États Maya Graf signale dans son interpellation que les salaires versés dans les secteurs de la santé et du social ont moins augmenté que la moyenne, comparativement à d’autres branches connaissant une pénurie de personnel qualifié. Explication: dans ces secteurs, ce sont les régulateurs et les responsables du financement, à savoir la Confédération et les cantons, qui définissent les conditions cadres et la marge de manœuvre en matière d’évolution salariale. Les fournisseurs de prestations ne peuvent guère rendre la branche plus attrayante via des augmentations de salaire. On comprendrait mieux qu’il en soit ainsi si les cantons et la Confédération n’avaient pas simultanément augmenté plus que la moyenne les salaires réels versés depuis 2011 à leurs propres employé∙es. Ce curieux détail n’aura pas suffi à faire dévier le Conseil fédéral de son argumentation habituelle: bien qu’il existe un organe de coordination «Dialogue Politique nationale de la santé», il a renvoyé les questions concernant les conditions de travail aux cantons et aux partenaires tarifaires.

 

Autres objets pertinents n’ayant pas encore été traités par les Chambres fédérales

23.4281 Mo. Rechsteiner «Réglementer de manière contraignante les soins prodigués par des proches» et
23.4104 Ip. Binder «Emploi de proches aidants et valeur monétaire des prestations d’assistance et de soins fournies par les proches»

Selon l’Office fédéral de la statistique, la valeur monétaire des prestations de soins et d’accompagnement non rémunérées fournies à des adultes s’est élevée à 3,4 milliards de francs en 2020. Ce constat figure parmi d’autres points intéressants dans la réponse du Conseil fédéral à l’interpellation de la conseillère nationale Marianne Binder-Keller, telle la difficulté de quantifier le volume des soins et de l’accompagnement fournis par les proches. Face à ce flou, il est à craindre que la qualité des prestations fournies soit difficile à garantir. À cet égard. la motion Rechsteiner demande la mise en place de standards minimaux pour s’assurer que ces prestations présentent la qualité requise et que les proches aidants sont correctement formés. Le Conseil fédéral rejette cette motion. Pour justifier sa position, il avance que les chiffres disponibles n’indiquent ni le nombre de proches aidants engagés par les organisations d’aide et soins à domicile ni le volume de prestations de soins de base à la charge de l’AOS effectivement accomplies sous la supervision d’un personnel soignant diplômé. On ne sait pas non plus dans quelle mesure les prestations fournies par les proches ont un impact sur l’évolution des coûts des soins à domicile. Le Conseil fédéral promet de se pencher rapidement sur les questions en suspens et d’apporter des éléments concrets pour décider s’il est opportun de légiférer davantage. Il estime prématuré de prendre des mesures sans pouvoir se référer à des faits précis. Le Conseil national examinera ce point de vue plus en détail lors de l’une des prochaines sessions.


23.4087 Po. de Quattro «Évaluation des mesures contre la violence des enfants»

Beaucoup d’institutions et de structures pour la jeunesse sont confrontées à la violence subie par les enfants dans leur milieu de provenance. Les cantons et les communes sont responsables en première ligne de leur fournir protection et soutien. Les organes intercantonaux, notamment la CDAS et la COPMA, s’efforcent de coordonner les offres et d’en combler les lacunes. Le Conseil fédéral n’estime donc pas opportun de rédiger un rapport sur les mesures prises contre la violence à l’égard des enfants. La conseillère nationale Jacqueline de Quattro a rétorqué qu’en dépit de ces efforts, la protection de l’enfance n’est pas partout mise en œuvre de façon satisfaisante. Une protection globale des enfants contre la violence s’avère nécessaire. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU plaide pour une telle protection dans ses recommandations à la Suisse. Faut-il privilégier le fédéralisme et sa diversité ou une mise en œuvre uniforme pour toutes les personnes concernées? Le Conseil national en décidera.


23.4326 Po. CSSS-N «Transformer l’allocation pour impotent en une allocation de prise en charge des personnes âgées. Nécessité de réformer le système et possibilités de mise en œuvre»

Avec l’évolution démographique, le maintien de l’autonomie des personnes âgées devient toujours plus crucial. Il nécessite des offres d’accompagnement et de soutien adéquates. Or ce sont typiquement des domaines pour lesquels se posent des questions de délimitation des compétences et de financement. Par le biais du postulat ici en cause, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national prie le Conseil fédéral de clarifier les questions financières en suspens concernant l’allocation pour impotent à la retraite. Le rapport demandé doit montrer comment une allocation adaptée pourrait faciliter l’accès à des prestations d’accompagnement afin de réduire significativement les risques d’hospitalisation, de pathologies psychiques ou d’un placement prématuré en institution. Le Conseil fédéral rejette le postulat en arguant que le soutien et l’accompagnement des personnes âgées et handicapées relèvent des cantons. C’est à ceux-ci qu’il revient en premier lieu d’examiner d’éventuelles lacunes dans le financement.