Assurer des ressources en personnel en interne grâce au «flexpool»
L’EMS Kirchfeld, dans le canton de Lucerne, mise sur une culture du travail visant à mieux concilier travail et vie privée. Le modèle flexpool y contribue: les collaboratrices et collaborateurs qui font partie du pool peuvent choisir quand et à quelle fréquence elles et ils souhaitent travailler.
L’EMS Kirchfeld se situe sur les hauteurs de la commune de Horw, avec vue sur le Pilate et le Rigi. C’est un lieu calme, en pleine nature, mais néanmoins proche de la ville de Lucerne. Quelque 160 seniors vivent ici, que ce soit dans les deux grandes structures médico-sociales, dans les logements protégés ou dans l’unité psychogériatrique. L’établissement emploie au total 250 personnes, dont certaines font partie du flexpool.
Le flexpool est un réservoir de personnel sur appel. Comme son nom l’indique, il garantit une grande flexibilité aux collaboratrices et collaborateurs qui en font partie: elles et ils peuvent choisir librement quand et à quelle fréquence travailler. Ce modèle de travail flexible, rémunéré à l’heure, a pour but de contribuer à une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée. L’EMS Kirchfeld travaille avec le flexpool depuis plus d’une année.
Affectation dans toutes les unités de vie
Archielyn Bucher a rejoint le flexpool dès son lancement. Aujourd’hui, cette infirmière de 41 ans est à la fois employée permanente et collaboratrice du pool. Auparavant, elle a travaillé dans différents EMS en dehors du canton de Lucerne. «J’avais besoin de changement», explique cette mère de quatre enfants. «J’ai travaillé pendant dix-sept ans dans un EMS à Wolhusen, où j’habite également.» Elle a d’abord travaillé sur appel dans différentes institutions via une plateforme de placement de personnel soignant pendant un an et demi, «jusqu’au jour où on m’a demandé si je voulais rejoindre le flexpool de Kirchfeld». Après avoir fait un essai, «cela m’a tout de suite plu», déclare l’infirmière enthousiaste.
«J’ai donc rejoint le groupe en janvier dernier.» Depuis, elle a travaillé à plusieurs reprises comme collaboratrice sur appel, dans le service psychogériatrique et dans les logements adaptés, tantôt pendant la journée, tantôt de garde la nuit. Un travail varié, comme elle l’apprécie. Si les collaboratrices et collaborateurs du pool peuvent choisir le jour et l’heure, elles et ils doivent accepter de travailler dans toutes les structures de l’institution.
«Pour moi, en tant que mère de famille, c’est un grand avantage de pouvoir choisir quand je travaille», souligne Archielyn Bucher, dont les enfants ont entre 5 et 12 ans. Elle préfère la garde de nuit ou le premier service de la journée, qui se termine vers 17 heures. Elle relève cependant un des inconvénients du système: «Si on ne travaille pas seulement pour arrondir ses fins de mois mais qu’on en dépend financièrement, cela peut être stressant car on doit réagir très vite aux offres.» Qu’elles soient spontanées pour cause de maladies ou prévues à l’avance en raison de congés, les missions à pourvoir sont publiées dans un tchat de groupe. La première personne qui répond obtient le mandat. Pour Archielyn Bucher, ces missions ont changé la donne: «En rejoignant le pool, j’ai découvert l’EMS Kirchfeld et je me suis rendu compte que j’aimerais bien y être employée», raconte-t-elle. Elle en a informé la direction, qui l’a engagée en juin à un taux de 70 %. «Je reste tout de même dans le flexpool pour prendre en charge des missions supplémentaires de temps en temps», indique-t-elle. «Pour moi, c’est intéressant sur le plan financier.»
Du personnel âgé de 18 à 70 ans
Ce n’est pas un cas isolé, indique Marco Müller, qui dirige depuis sept ans l’EMS Kirchfeld. D’autres membres du personnel permanent sont aussi dans le pool de personnel pour gagner un peu plus d’argent. Les raisons qui incitent à rejoindre ce pool sont toutefois très diverses. «Les personnes qui en font partie ont entre 18 et 70 ans.» Outre des infirmières et infirmiers, le pool compte des personnes ayant suivi la formation d’auxiliaire de santé de la CRS, des étudiantes et étudiants en médecine ou des personnes qui travaillent dans le secteur hôtelier. «Il y a aussi des gens qui ont un emploi fixe dans une autre institution mais qui trouvent intéressant de travailler à deux endroits.» Des personnes à la retraite sont également dans le pool: «Beaucoup d’entre elles sont heureuses de conserver une occupation et de gagner un peu d’argent.»
Simun Karacic ne peut que confirmer. Il a rejoint le flexpool en mars. Auparavant, cet assistant socio-éducatif a travaillé pendant trente-trois ans à l’EMS Kirchfeld, toujours à plein temps. À présent, il aime garder ses petits-enfants, indique le préretraité de 63 ans. «Pour moi, le modèle est idéal: je peux choisir mes missions en toute liberté. Je travaille souvent entre trois et cinq nuits consécutives, puis j’ai plusieurs jours de libre.» Comme Simun Karacic a quitté la vie active et ne dépend donc plus d’un revenu garanti, ces interventions isolées et bien rémunérées sont pour lui «un avant-goût du paradis».
Une alternative au travail temporaire
La pénurie de personnel qualifié explique-t-elle la création de ce flexpool? Oui et non, répond Marco Müller: «Au Kirchfeld, nous accordons une attention particulière à la conciliation entre travail et famille.» Les objectifs de l’établissement pour 2030 ont été définis il y a cinq ans. «L’un des objectifs est de créer un lieu intergénérationnel. Un autre est d’offrir à notre personnel le meilleur équilibre possible entre travail et famille.» Certaines mesures ont déjà été mises en place: outre le pool et d’autres modèles de travail, une crèche et deux classes d’école enfantine se trouvent sur le site depuis cet été. Elles sont gérées par des prestataires externes et adaptées aux plans de service du personnel.
Mais il est clair que la pénurie de personnel qualifié commence aussi à se faire sentir au Kirchfeld. «Pour autant, nous ne voulons pas être un employeur attractif uniquement en temps de pénurie de personnel.» Le directeur ajoute: «Entre 80 et 90 % des personnes travaillant dans les soins sont des femmes. En tant qu’employeur, nous avons tout intérêt à répondre particulièrement aux besoins des femmes.» L’engagement de l’institution a été reconnu: fin 2024, l’EMS Kirchfeld a reçu le certificat du Bureau UND, qui récompense les entreprises qui s’engagent particulièrement en faveur de la conciliation et de l’équilibre de vie.
«Les personnes qui travaillent dans le flexpool ont entre 18 et 70 ans. Outre le personnel infirmier, on y trouve également des auxiliaires de santé et du personnel du secteur hôtelier.» Marco Müller, directeur de l’EMS Kirchfeld
Pour ce qui est des avantages du flexpool pour l’entreprise elle-même, le directeur en cite quelques-uns: flexibilité des ressources en personnel en cas de besoin, et pas de salaire à verser dans le cas contraire. De plus, le pool permet de recruter de nouveaux membres du personnel permanents, comme dans le cas d’Archielyn Bucher. Enfin, c’est une bonne alternative au personnel temporaire, qui se sent souvent moins lié à l’entreprise. Les collaboratrices et collaborateurs du pool s’engagent à travailler entre 10 et 80 % par mois, un minimum de deux à trois mandats par mois étant idéal. Actuellement, le pool compte une quarantaine de personnes, qui ont signé un contrat de travail flexible. Leur recrutement, leur intégration et leur encadrement demandent beaucoup de travail, fait remarquer Marco Müller, montrant aussi le revers de la médaille.
Changement fréquent de personnel soignant Un autre inconvénient du recours au flexpool, en l’occurrence pour les résidentes et résidents, est le changement fréquent de personnel. «C’est vrai que les interventions ponctuelles ne permettent guère de développer des liens avec les personnes accompagnées», déclare Archielyn Bucher, que cette situation préoccupe. De plus, le personnel doit intégrer rapidement les principales informations de chaque résidente et résident, et se souvenir de leurs noms. «Il arrive aussi que l’on fasse une pause de trois semaines et qu’entretemps, cinq personnes soient décédées, et donc cinq nouvelles arrivées. Il faut donc tout recommencer.»
C’est une problématique que l’on ne peut pas ignorer, concède le directeur. «Mais en fin de compte, c’est le mélange qui fait la différence: plus d’un tiers des deux-cents employées et employés permanents travaillent depuis au moins dix ans dans l’entreprise et connaissent les résidentes et résidents.» S’il sait que les changements fréquents sont parfois éprouvants pour les personnes âgées, il doit aussi faire face à la réalité de la pénurie de personnel qualifié. Dès lors, il interroge: lorsqu’un résident sonne, préfère-t-il que quelqu’un arrive tout de suite ou que cela soit toujours la même personne au risque d’attendre? «Grâce au flexpool, indique Marco Müller, nous avons davantage de temps pour chaque résidente et résident.»
«J’ai travaillé dans des EMS qui n’avaient pas de pool de personnel sur appel. Quand plusieurs collègues étaient malades, tout le monde atteignait ses limites, surtout s’il fallait assumer le travail de ses collègues en plus du sien», se souvient Archielyn Bucher. En outre, les heures supplémentaires que cela occasionne sont difficilement récupérables. Des prestataires dans le domaine du logement adapté en Suisse, comme Solviva Care ou Domicil, à Berne, ont aussi recours à un tel pool.
Marco Müller tire un premier bilan positif: «Nous allons dans tous les cas continuer ainsi. Avant l’introduction du flexpool, nous devions recourir à du personnel temporaire externe coûteux. Désormais, grâce à ce système, nous bénéficions de ressources en personnel internes flexibles.»
Photo: Kirchfeld